Société

Cyberattaque contre le Maroc – Une ancienne menace effacée qui refait surface

Latifa CHAKRI

La cybersécurité du Maroc est de nouveau mise à l’épreuve, face à une série d’attaques informatiques ciblant ses institutions depuis plus d’une décennie. Ces cyberattaques ont commencé bien avant 2013, lorsque des hackers ont contacté des membres d’un groupe marocain pour les alerter sur la vente de données sensibles marocaines sur le Dark Web. Ces derniers ont immédiatement transmis l’information aux autorités marocaines. Malheureusement, leurs avertissements sont restés lettre morte, ouvrant la voie à une multiplication d’attaques dans les années suivantes.
Le piratage s’est propagé par vagues successives : d’abord les universités, puis les administrations publiques, les ministères, les banques, et plus récemment, les sociétés de gestion. L’affaire Chris Coleman, révélée en 2014, reste l’un des cas les plus emblématiques. L’auteur, ayant infiltré plusieurs institutions clés, a été identifié en seulement douze jours grâce à une équipe de cyberactivistes marocains — une femme experte en cybersécurité, basée en France, et deux jeunes Marocains, autodidactes et brillants, opérant depuis le Maroc.
Agissant hors du cadre institutionnel, ces activistes ont brillamment localisé l’attaquant et établi son identité, là où les services officiels étaient restés impuissants. À l’époque, beaucoup ont pointé du doigt l’Algérie comme responsable. Pourtant, deux ans plus tard, les autorités marocaines ont reconnu que l’origine de l’attaque provenait d’un autre réseau. Ce retournement a rappelé l’importance de s’appuyer sur des preuves techniques solides plutôt que sur des hypothèses géopolitiques hâtives.

La CNSS : une nouvelle victime

Plus récemment, c’est la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS) qui a été prise pour cible. Une cyberattaque a entraîné la fuite de données sensibles, parmi lesquelles figuraient des informations personnelles de nombreux citoyens, ainsi qu’un document relatif à un membre du cabinet royal. L’affaire, très médiatisée, a remis en lumière les graves lacunes sécuritaires de nos institutions.
Une menace persistante
Les attaques n’ont jamais vraiment cessé. Depuis 2013, des hackers actifs sur le Dark Web ont régulièrement alerté leurs homologues marocains sur la présence de données administratives marocaines compromises en circulation. Malgré des signalements répétés auprès des autorités, aucune réaction concrète n’a été enregistrée. Cette passivité a laissé les failles de sécurité béantes, facilitant l’infiltration des systèmes étatiques les plus critiques.
Un état d’esprit coopératif, pas offensif
Aujourd’hui, alors que les autorités algériennes ironisent sur la situation actuelle, on peut considérer que, paradoxalement, cette médiatisation constitue un service indirect rendu au Maroc. Elle permet enfin de donner de l’écho aux voix internes qui, depuis des années, alertent sur l’insuffisance des mesures de cybersécurité.
Historiquement, entre les cyberactivistes algériens et marocains, les relations ont davantage été marquées par la coopération et la sensibilisation mutuelle que par une véritable cyberguerre. Bien sûr, des incidents isolés ont pu survenir, mais globalement, la philosophie dominante est restée défensive et collaborative. C’est pourquoi il est essentiel de ne pas tirer de conclusions hâtives sans preuves techniques formelles.
Une cybersécurité négligée
Le vrai problème réside ailleurs. Le manque de rigueur dans la gestion des infrastructures numériques. Le cas de la CNSS est parlant : le piratage récent n’est pas dû à une attaque sophistiquée, mais simplement à l’absence de mise à jour des serveurs. Cette négligence a permis aux intrusions de se multiplier, non seulement dans les systèmes universitaires ou administratifs, mais aussi dans ceux des ministères, banques, et désormais des sociétés de gestion.
Une prise de conscience tardive
Alors que les attaques se complexifient, les conséquences d’une cybersécurité négligée deviennent de plus en plus visibles. Si les avertissements des cyberactivistes marocains avaient été pris au sérieux dès le départ, une grande partie des données aujourd’hui en circulation sur le Dark Web aurait pu être protégée.
Le Maroc doit désormais faire face aux effets cumulatifs de cette inertie. Il est impératif de réagir sans délai, de renforcer les infrastructures numériques, de former les agents administratifs, et surtout de mettre à jour les systèmes logiciels régulièrement. Car dans le contexte actuel, la cybersécurité n’est plus un simple enjeu technique : c’est un enjeu stratégique majeur, un nouveau champ de bataille, et un devoir de souveraineté nationale.
Recommandations pour les institutions marocaines & cabinets :
•Segmenter les réseaux (éviter qu’un pirate puisse passer d’un système à l’autre facilement).
•Former le personnel à la cybersécurité (phishing, bonnes pratiques, etc.).
•Mettre en place une surveillance active ( détection d’intrusion).
•Simuler des attaques (red team) pour tester la résilience des systèmes.
•Prévoir des plans de réponse à incident et faire des exercices réguliers.

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