
La sécurité foncière réunit juges, adouls et avocats pour traiter les affaires de spoliation immobilière
La conférence nationale émet des recommandations pour réformer les lois foncières et de documentation
Une conférence nationale s’est tenue sous le thème : « La sécurité foncière : contraintes et perspectives », avec la participation de juges, d’adouls, d’avocats, ainsi que de responsables judiciaires, de représentants des autorités locales et d’experts en documentation et en droit foncier. L’événement s’est déroulé au tribunal de première instance de Souk Sebt Oulad Nemma, relevant de la circonscription judiciaire de Béni Mellal-Khénifra, le mercredi matin 30 avril 2025.
Cette rencontre scientifique et professionnelle a permis de mettre en lumière la multiplicité des problématiques liées à la sécurité foncière au Maroc, dans un contexte de mutations urbaines rapides, notamment dans les zones rurales confrontées à une urbanisation croissante. Ce phénomène a engendré des lotissements non réglementés, compliquant davantage les transactions et leur documentation juridique.
Dans son discours d’ouverture, Mme Aïcha El Aazem, présidente du tribunal de première instance de Souk Sebt, a souligné l’importance de cette initiative réunissant les différents acteurs du système judiciaire. Elle a insisté sur le fait que la relation entre l’homme et la terre dépasse l’aspect matériel, constituant un socle de stabilité sociale et économique, ce qui nécessite une organisation rigoureuse et un encadrement législatif évolutif.
De son côté, Maître Driss Trali, président du Conseil régional des adouls près la Cour d’appel de Béni Mellal, a affirmé que garantir la sécurité foncière requiert une planification urbaine efficace et une politique foncière claire, soulignant que le foncier est une composante essentielle de la réussite des politiques publiques, notamment en matière d’investissement et d’aménagement du territoire.
Maître Saïd Saroukh, président du Conseil régional des adouls près la Cour d’appel de Tanger, a salué la coopération professionnelle entre les adouls et l’institution judiciaire. Il a rappelé que la justice n’est plus seulement un organe de règlement des litiges, mais également un acteur administratif et sociétal à travers ce que l’on appelle aujourd’hui la justice de proximité, appelant à renforcer ce rôle au service de la sécurité foncière.
Dans le même sens, Maître Bouchaïb Louardi, procureur du roi près le tribunal de première instance de Souk Sebt, a estimé que « la multiplicité des régimes juridiques et la recrudescence des actes de spoliation nécessitent une approche plus rigoureuse des transactions ». Il a affirmé que « le système foncier actuel a besoin d’une restructuration législative pour restaurer la confiance et réduire les litiges », plaidant pour un renforcement de la coordination entre les différents intervenants, une vision nationale intégrée fondée sur la complémentarité des rôles et un développement de la formation continue pour les adouls et les notaires afin de suivre les évolutions juridiques et techniques.
La conférence a donné lieu à diverses interventions d’avocats, d’experts fonciers et de responsables administratifs, qui ont mis en évidence les obstacles à la documentation des titres de propriété, la multiplicité des références juridiques, ainsi que les difficultés rencontrées par les citoyens dans les procédures de conservation foncière, créant ainsi un environnement juridique complexe, préjudiciable à la confiance et à l’investissement.
La conférence a abouti à plusieurs recommandations, exprimées par les intervenants, notamment :
Unifier le système de documentation entre les adouls et les notaires, afin d’assurer une cohérence juridique et de simplifier les procédures contractuelles.
Clarifier le contenu des circulaires du conservateur général, pour éviter les interprétations divergentes pouvant nuire à la sécurité foncière.
Réécrire l’article 4 du Code des droits réels, qui pose des problèmes pratiques affectant la documentation des actes juridiques.
Réviser les dispositions de la loi de finances relatives aux indemnisations pour expropriation pour utilité publique, en tenant compte de l’équité juridique.
Exiger uniquement le certificat de paiement des taxes afférentes au bien objet de la transaction, sans l’étendre aux autres biens du vendeur.
Modifier l’article 109 du Dahir de la conservation foncière, en y intégrant la possibilité d’exercer des recours extraordinaires en plus de l’appel et du pourvoi en cassation.
Renforcer le cadre juridique du travail des experts, en particulier en ce qui concerne l’évaluation foncière dans le cadre des expertises judiciaires.
Refuser la rédaction de textes juridiques sous la pression des crises, pour garantir la stabilité législative et la qualité des lois.
Reformuler certains concepts juridiques présents dans les textes fonciers, en distinguant ce qui est substantiel de ce qui est procédural.
Unifier les textes juridiques dans un code foncier global et simplifié.
Définir les modes de preuve de propriété des terres collectives et assurer leur protection juridique.
Mettre en place des mécanismes légaux de protection des consommateurs dans les contrats immobiliers.
Simplifier les procédures de conservation foncière, notamment pour les terres situées dans les périmètres de remembrement, et élargir les prérogatives du ministère public pour protéger la possession.
Modifier l’article 570 du Code pénal, afin de criminaliser tout acte portant atteinte à la possession ou entravant la jouissance d’un bien immobilier sans justification, et permettre à la justice de rétablir d’office la situation antérieure.
Ces recommandations ont été largement accueillies par les participants, qui ont insisté sur la nécessité de renforcer la coordination entre les différents acteurs du secteur foncier, de développer la formation continue des professionnels et de consolider le rôle de la justice comme garant de la sécurité foncière et de l’équilibre social.
En clôture, les participants ont salué les efforts déployés par le comité organisateur et l’engagement des intervenants dans l’enrichissement du débat, appelant à la continuité de ces rencontres scientifiques pour accompagner les défis croissants du secteur foncier au Maroc.