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Lutte contre la pandémie: « la science ouverte » plus cruciale que jamais

Au-delà des rivalités géopolitiques, le contexte exceptionnel de la crise sanitaire sans précédent a montré le potentiel de la coopération scientifique internationale qui a permis l’identification rapide du nouveau coronavirus et le déchiffrement de son identité génétique dès les premiers cas, un processus qui requiert des années en temps normal.

Dès le 12 janvier 2020, les autorités sanitaires chinoises avaient rendu publique la séquence génétique de ce nouveau coronavirus, en introduisant ces informations dans la base de données GISAID, une importante plateforme créée à l’origine pour surveiller la grippe. De son côté, l’OMS, l’agence des Nations Unies pour la santé, a fait de la solidarité internationale scientifique l’un de ses leitmotives et a mis sur pied notamment un groupe d’accès aux technologies de lutte contre le Covid-19, qui a mis en lumière le danger que représentent des agents infectieux responsables de graves maladies, et pour lesquelles il n’existe ni test de diagnostique, ni traitement, ni vaccin.

L’incitation à la coopération scientifique a surtout porté sur l’identification de l’origine du nouveau virus, l’analyse de son potentiel de transmission inter-humaine, et la participation à la recherche, notamment à l’essai clinique Solidarity mis en place par l’OMS. Cet essai clinique international visait à identifier un traitement efficace contre le Covid-19, en comparant quatre médicaments.

Au total, 3.500 patients, admis dans 400 hôpitaux, avaient été recrutés dans 35 pays et cent pays avaient exprimé un intérêt à participer à l’essai, tandis que l’OMS soutenait une soixantaine d’entre eux dans cette action.

C’est dans ce contexte, que quatre agences de l’ONU avaient lancé un appel en faveur de « la science ouverte », une initiative portée par l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), l’Organisation mondiale de la santé, le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme et le Laboratoire européen pour la physique des particules (CERN).

L’expression « science ouverte » désigne le libre accès aux publications, données et infrastructures scientifiques, ainsi qu’aux logiciels libres, aux ressources éducatives et aux technologies ouvertes telles que les tests ou les vaccins.

Les quatre organisations demandent à la communauté internationale de prendre les mesures nécessaires pour assurer l’accès universel aux avancées de la science et de ses applications.

« Jamais la nécessité de partager la science n’a été aussi évidente et pourtant, avant le Covid-19, seule une publication scientifique sur quatre était ouvertement accessible, ce qui signifie que des millions de chercheurs se voyaient refuser la possibilité de lire les travaux de leurs collègues », avait affirmé la directrice générale de l’UNESCO, Audrey Azoulay.

Depuis, des dizaines de milliers de séquences ont été téléchargées sur des bases de données publiques, permettant de suivre les mutations avec une précision et une vitesse jamais atteintes auparavant. La part du lion de ces informations provient d’un seul pays: la Grande-Bretagne.

Mi-janvier, GISAID avait reçu 379.000 séquences. Parmi celles-ci, 166.000 provenaient de Covid-19 Genomics UK (COG-UK), un partenariat entre autorités sanitaires et établissements universitaires.

Actuellement, le programme séquence 10.000 génomes par semaine (environ 6% des cas connus en Grande-Bretagne) et l’objectif est de doubler ce chiffre.

« Le Royaume-Uni a écrasé tout le monde », a déclaré Emma Hodcroft, épidémiologiste à l’Université de Berne et co-développeuse du projet international de suivi du virus, Nextstrain. Le Danemark, relève-t-elle, séquence et partage aussi régulièrement les données, mais les informations provenant de la plupart des autres pays sont au mieux sporadiques.

Pour l’OMS, une meilleure capacité de séquençage est une priorité. Maria Van Kerkhove, responsable technique Covid-19 auprès de l’agence de l’ONU pour la santé, a récemment qualifié d' »incroyable » le nombre de séquences partagées jusqu’à présent, mais déploré qu’elles ne proviennent que d’une poignée de pays.

« Améliorer la couverture géographique du séquençage est essentiel pour que le monde ait des yeux et des oreilles sur les changements du virus », a-t-elle déclaré sur un forum en ligne.

Selon l’OMS, une « révolution » dans l’investigation génomique des virus a contribué à une meilleure compréhension de plusieurs maladies, d’Ebola à la grippe. « Pour la première fois, le séquençage génomique peut aider à guider la réponse de santé publique à une pandémie en temps quasi réel », affirme l’agence de l’ONU, qui défend désormais le projet d’un nouveau système international de partage des échantillons de la recherche scientifique sur la Covid-19 et d’autres virus émergents, « une bio-banque » qui pourrait voir le jour en Suisse.

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